Quand la gauche se love dans le présidentialisme au lieu de le combattre

Professeure de philosophie, élue locale à la Roche-sur-Yon, engagée à gauche.
Billet publié, le 11 novembre 2021, dans le Club de Mediapart
Par cohérence avec leur critique justifiée du présidentialisme, les forces de gauche devraient vouloir incarner l’alternative institutionnelle qu’elles défendent, pour la rendre crédible et privilégier le programme sur les candidatures. Mais le présidentialisme est vraiment un fléau difficile à dépasser...
Quelle devrait être l’attitude des forces de gauche face à une élection présidentielle dont elles dénoncent à juste titre régulièrement l’archaïsme ?
Par cohérence avec la critique du « crétinisme présidentialiste » et son mythe de l’homme providentiel, et à l’heure de la démonétisation de la parole politique, elles devraient vouloir incarner l’alternative institutionnelle qu’elles défendent pour la rendre crédible et privilégier ainsi le programme sur les candidatures.
Mais le présidentialisme est vraiment un fléau difficile à dépasser et cette campagne de 2022 le démontre tous les jours.
Malgré les urgences sociales et environnementales, malgré la faiblesse des forces de gauche (faiblesse qui, au passage, doit beaucoup à l’héritage de l’exercice du pouvoir trop présidentialiste du dernier quinquennat et à des décisions d’un exécutif contraires à l’esprit et la lettre des engagements et nécessitant des 49.3), la dispersion actuelle des candidatures mène, nous le savons toutes et tous, dans le contexte actuel, à une nouvelle défaite hautement probable.
Comment ne pas souligner l’attitude paradoxale de ceux qui refusent tout accord pour l’élection présidentielle mais envisagent un contrat de mandature pour les législatives ? Impossible pour l’élection présidentielle, un accord programmatique serait envisageable pour les législatives… Alors que nous connaissons l’effet de l’inversion du calendrier sur le résultat des législatives, cette attitude témoigne de la simple volonté des appareils partisans de persister dans leur être par une survie parlementaire d’opposition qui, en aucun cas, n’améliorera la vie de celles et ceux qu’ils prétendent défendre. Combattre le présidentialisme véritablement, ce serait faire primer l’accord de gouvernement et donc le programme commun sur l’incarnation présidentielle.
Les propositions du « socle commun » de la primaire populaire, travaillées avec les partis comme avec des organisations citoyennes montrent que c’est possible. Il faut en tout cas le tenter !
Mais voilà, le présidentialisme sévit et, loin de cette volonté stratégique de travail sur les convergences, il se traduit par un narcissisme des petites différences, où chacun entend souligner ce qui les différencie des autres, allant parfois jusqu’au concours Lépine des propositions les plus iconoclastes et les moins rassembleuses, y compris sur l'immigration, alors que nos oreilles sont saturées de discours xénophobes et racistes.
Alors oui vivement la VIème République mais, pour cela, il faut une stratégie de dé-présidentialisation et ce dès la campagne pour la présidentielle.